Parler de la mort avec les personnes âgées
Aurélie Chopard-Dit-Jean, psychologue clinicienne, a mené une thèse (1) labellisée par la MSHE, sur le désir de mort chez les personnes âgées dépendantes vivant en établissement. Pour mieux cerner l’expérience du grand âge, les études ont été réalisées parallèlement en France (en EHPAD) et en Suisse (en EMS, établissement médico-sociaux).
Rencontre avec la chercheuse.
Lors de la soutenance de votre thèse, le jury a souligné un travail plein d’humanité. Comment avez-vous abordé avec les résidents cette question éminemment difficile du désir de mort ?
Aurélie Chopard-dit-Jean : Lorsque j’ai eu l’accord des directions des établissements pour y mener ma recherche, et après avoir présenté mon étude aux professionnels, ces derniers proposaient aux résidents correspondant aux critères d’inclusion (2) de la recherche de me rencontrer. Sept ont refusé, parce qu’ils ne souhaitaient pas se remémorer des souvenirs en lien avec leur histoire de vie ou leur entrée en établissement, ou parce qu’ils n’avaient rien à dire, ou parce que leurs proches ne désiraient pas qu’ils « remuent » le passé. Pour tous les autres résidents qui acceptaient de me rencontrer, je leur présentais mon étude. Je leur expliquais que j’étudiais le désir de mourir qu’ils pouvaient éventuellement être amenés à ressentir. Là-dessus, bon nombre d’entre eux ont réagi en disant que oui, ils avaient envie de mourir. A ce moment-là, mon dictaphone était éteint, pourtant je ne les interrompais pas car ils livraient des éléments précieux spontanément. Ensuite, une fois qu’ils avaient donné leur accord pour participer, je les enregistrais et là je revenais sur leurs premières confidences. Leur réaction spontanée à l’évocation du thème de la recherche montrait que le sujet faisait écho à ce qu’ils vivaient. C’était déjà un résultat de recherche ! Finalement, aborder le désir de mort s’est fait de manière plutôt naturelle, comme si les résidents étaient contents, voire soulagés, de pouvoir parler de la mort.