Représentation politique
La Franche-Comté perdait en 1666 son statut de pays d'états, c’est-à-dire de province dotée d’une assemblée représentative des trois ordres (clergé, noblesse et tiers état).
Les élites politiques comtoises n’ont pour autant jamais cessé de méditer sur la question de la représentation politique.
À l’inverse des pays d’élections, les pays d’états (Bourgogne, Bretagne et Languedoc pour les trois plus grands) avaient la particularité de consentir aux impôts et de gérer maints aspects de la vie économique et politique provinciale. L’excellence de leur crédit fit même que le roi s’en servit pour emprunter de l’argent au risque de leur accorder une importance trop forte en les transformant en créanciers de la couronne.
Réflexions d'un patriote sur le rétablissement des états de la province de Franche-Comté. [20 octobre 1788]
Lorsqu’en 1752, l'Académie des sciences, belles lettres et arts de Besançon est créée par le roi, permettant ainsi à nombre d’esprits locaux de se rassembler en collège, le sujet de concours « L’origine, la forme et le pouvoir des États de Franche-Comté » est très vite mis à l’ordre du jour.
La réflexion sur l’histoire parlementaire dans le cadre de l’Académie est l’un des jalons sur la route qui conduit en 1788 à une nouvelle et dernière convocation des États de Franche-Comté par le roi.
L’affirmation des droits de la nation et de son rôle politique a été rendu possible grâce à la conjonction de diverses influences. À la monarchie constitutionnelle britannique voisine perdurant depuis le XIIIe siècle et dont les états provinciaux du royaume pouvaient passer pour une copie archaïque, s'ajoutait une prise de conscience collective du caractère tyrannique de l’exercice du pouvoir par Louis XVI. La voix de personnages soutenant le libéralisme politique s’était imposée. La Rochefoucauld par exemple, traducteur de la Constitution des Etats-Unis en 1783, ou encore Diderot, Montesquieu ou Victor Riquetti de Mirabeau. Enfin, plus localement, des députés accomplissaient des tours de force, comme Jean-Joseph Mounier ayant réussi à faire valoir les intérêts du tiers état en établissant en premier son doublement et le vote par tête en 1788-99 dans l’assemblée des états du Dauphiné.
La volonté de constituer un collège capable de prendre des décisions politiques était un enjeu important pour les provinces au cours du XVIIIe siècle, mais, celle de constituer une assemblée représentant l’ensemble de la société était souhaitée d’abord par le tiers état et quelques clercs et nobles éclairés. Les états de la noblesse et du clergé souhaitaient conserver l’ordre traditionnel qui leur assurait la prédominance dans les assemblées d’états provinciaux. Toute la difficulté pour le tiers état, aux états généraux, a été de réussir à s’imposer face aux deux autres ordres. L’aboutissement à l’institutionnalisation de représentation politique était une victoire, mais la balance des pouvoirs au sein de l’Assemblée l’était de surcroît.
La représentation politique paraît être l’issue idéale à la monarchie de droit divin. Cependant, elle a aussi ses limites. Qu’en est-il lorsqu’il n’y a pas de majorité entre les représentants ? Dans les pays d’états, pendant longtemps, il n’y avait pas de doublement du tiers état et les assemblées étaient donc tripartites obligeant au consensus qui était loin d’être profitable au plus grand nombre ? Si, le fonctionnement effectif de la représentation politique est le résultat d’un certain équilibre au sein de l’assemblée, il peut facilement y avoir des situations de blocage : des groupes à parts égales ne réussissant pas à trancher une question ou à l’inverse une majorité se conduit de manière écrasante, sans faire droit aux opinions de la minorité.
Au cours de la Ve République, les mandats d’Emmanuel Macron tendent à montrer assez nettement les limites auxquelles peut se confronter le système de représentation politique issue des révolutions du XVIIIe siècle en Europe et en France. La nation initialement célébrée et priorisée peut être reléguée au second plan, derrière les exigences des marchés financiers notamment.
Notre illustration laisse imaginer Emmanuel Macron prononçant « L’Europe et le monde attendent que nous défendions partout l’esprit des Lumières menacé dans tant d’endroits ». Ainsi, en quoi notre système est-il un héritage des Lumières ? Est-il encore pertinent aujourd'hui ? Quels sont ses limites et ses avantages ?
Ouverture des Etats Généraux, le 5 mai 1789, BnF, département des Estampes et de la photographie. Dessin d'après photographie d'Emmanuel Dundand, AFP, MSHE - CC-BY-SA-NC
Pour aller plus loin
Publication :
Benjamin Morel, Le parlement, temple de la République de 1789 à nos jours, Paris, Passés/composés, 2024. Un livre offrant une synthèse sur l’histoire du parlement contemporain en France.
Podcast :
Une série de quatre épisodes de l’émission La fabrique de l’histoire sur France culture consacrée à l’histoire des assemblées
Ressource numérique :
Honorine Dubief, Esther Flety