Agriculture et alimentation

Domestiquée dès 6000 av. J-C. au Pérou, la pomme de terre, forte d’une longue histoire, attire l’attention des Espagnols qui l’introduisent en Europe dès le XVI^e siècle.
Cependant, la Solanum Tuberosum ne s’impose dans les assiettes françaises qu’au XVIII^e siècle.

Plusieurs facteurs freinent son développement : les difficultés liées à sa récolte, son transport, sa conservation et son appartenance à la famille des solanacées, associée à des plantes hallucinatoires et toxiques.

De plus, ce légume de racine, poussant dans la terre, le domaine du Diable, renforce la méfiance. En France, les préjugés à son égard freinent son adoption. Jusqu’à la disette de 1769, la pomme de terre sert surtout à nourrir les cochons.

Axomama, déesse de la pomme de terre, culture Mochica, Pérou

Portrait de Antoine Parmentier avec une Légion d’honneur

Dès lors, divers efforts visent à en promouvoir la consommation afin de pallier l’incertitude des récoltes de céréales soumises aux aléas climatiques. L’académie de Besançon participe à cette acclimatation en mettant à son concours, en 1771, la question suivante : « indiquer les végétaux qui pouvoient suppléer en tems de disette a ceux que l’on employe communement a la nourriture des hommes et qu’elle en devoir être la préparation ».

Le lauréat (1772), Antoine Parmentier, est un pharmacien militaire qui aurait découvert la pomme de terre durant ses années de captivité en Prusse, pendant la guerre de Sept Ans. De retour à Paris, à la signature de la paix (1763), il gravite dans l’orbite de l’académie des sciences et du jardin royal se passionnant pour la physique et surtout la chimie.

Cette reconnaissance académique lance d’une certaine manière la carrière de Parmentier en tant que propagandiste de la pomme de terre et en 1779 il publie un essai intitulé :

Cet essai est symptomatique des « Lumières agricoles » pour reprendre la formule de l’historien Peter Jones, c’est-à-dire d’un mouvement intellectuel qui, des années 1760 à 1840, entend participer aux progrès de l’agriculture par une économie de la connaissance.

Parmentier montre que la pomme de terre est capable de pousser dans tout type de sol et offre une grande valeur nutritive. Elle est donc une ressource de première importance pour nourrir la population et renouveler sa force de travail, une conclusion à laquelle tous les chercheurs européens étaient parvenus dans les mêmes années.

La seconde moitié du XVIII^e siècle prépare donc le succès mondial de la pomme de terre attesté dès le XIX^e siècle comme l’indiquent les tableaux ci-dessous 

Jean-François Millet, La récolte des pommes de terre, 1855, The Walters Art Museum

Jules Bastien-Lepage, Saison d’octobre, musée Carnavalet, Paris, 1879

Aujourd’hui, la victoire de la pomme de terre est indéniable ; elle est présente dans l’alimentation humaine sous des formes très différentes, plus ou moins transformées, avec ou sans adjuvants dont les effets sur la santé sont maintenant bien identifiés. Ainsi les Français en consomment annuellement près d’un demi-quintal par personne.

Publications :

Madeleine Ferrières, Histoire des peurs alimentaires. Du Moyen Âge à l’aube du XXe siècle, Paris, Seuil, 2002, p. 128-134 

Marc de Ferrière Le Vayer et Jean-Pierre Williot (dir.), La pomme de terre de la Renaissance au XXIe siècle, Rennes, PUR/Presses universitaires François Rabelais, 2011

Peter M. Jones, Agricultural Enlightenment. Knowledge Technology, and Nature, 1750-1840, Oxford, Oxford University Press, 2016

Michel Morineau, « Cendrillon devenue fée ? La pomme de terre au XVIIIe siècle », dans Pour une histoire économique vraie, Lille, PUL, 1985, p. 121-133

Ressources numériques :

Mémoire vive, Patrimoine numérisé de Besançon, « Patate, cartoufle, pomme de terre : Parmentier recompensé », 2013

Muratori-Philip Anne, « Antoine-Augustin Parmentier », France Archives, 26 janvier 2024 :

Fougeroux André, « Parmentier, pionnier de la nutrition », Gallica, 13 février 2019

Muratori-Philip Anne, « Antoine-Augustin Parmentier, pharmacien et agronome, 1737-1813 », 15 avril 2013

Saidou Cheik, « Antoine Parmentier, la science au service des Hommes », Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, 11 septembre 2023

Podcast :

Avoir la patate ! Comment la pomme de terre conquiert le monde, épisode 2/4, Radio France