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Les habitants de Bourgogne-Franche-Comté face à la transition socioécologique, volet 2

20220617 OTSE« La transition ne se fera pas sans les citoyens ! » – prévient Cyril Masselot, responsable de l’Observatoire de la transition socioécologique (OTSE) porté par la MSHE (1). Comprendre et mesurer le niveau de résilience des populations et des territoires est alors un enjeu essentiel. Dans quelle mesure sommes-nous en capacité d’adapter nos modes de vie pour les rendre soutenables écologiquement ? Répondre à cette question est l’un des objectifs de l’OTSE. L’étude menée en 2020 auprès d’un échantillon représentatif des habitants de Bourgogne-Franche-Comté (2) a permis de décrire les éco-comportements (lire le volet 1) et également de représenter la structure de la population régionale au regard de la transition, à travers une typologie des répondants.

Pour ce faire, Cyril Masselot et Nanta Novello Paglianti (3), ont conduit l’analyse de manière partenariale, à l’instar de l’ensemble du dispositif d’étude, associant chercheurs, acteurs associatifs et acteurs territoriaux (4) lors d’ateliers thématiques. Ensemble ils ont interprété les sept classes de profils des répondants, issues de l’analyse factorielle de correspondance (AFC) produite par les chercheurs.20220617 OTSE AFC
Les profils sont déterminés informatiquement à partir de l’ensemble des données recueillies (comportements et caractéristiques sociodémographiques) et organisés dans un espace orthogonal (voir schéma), qu’il convient ensuite d’interpréter. En effet, les axes sur lesquels prennent place les profils ne sont pas définis avant l’AFC ; leur désignation découle de l’analyse collective. Ainsi, il apparaît qu’en Bourgogne-Franche-Comté, ce qui discrimine les groupes de population est le croisement de la situation économique, des écogestes, du type de département et du niveau de diplôme. Ces variables structurent les différents profils de citoyens, définis comme suit.

Les sept profils obtenus sont les suivants :

Les ménages attentifs
Cette classe représente 26 % des répondants à l’enquête. Ces ménages sont attentifs au respect de la biodiversité et ont conscience du poids que nos comportements font peser sur l’environnement. Pour cette raison, ils pratiquent quotidiennement toute une série d’écogestes : alimentation locale et plutôt bio, limitation de leur consommation, tri et dons solidaires pour favoriser la réutilisation et le recyclage.
La classe est constituée de cadres intermédiaires, propriétaires de leur logement, habitant en zone périurbaine ou rurale proche. Ces ménages se déplacent beaucoup mais parcourent relativement peu de kilomètres en voiture (moins de 20 000 par an), notamment parce qu’ils associent facilement voiture et transports en commun. Ils ont un ancrage territorial fort.
« Ce sont des gens assez au fait des enjeux écologiques – commente Cyril Masselot –, soucieux d’adopter des comportements écoresponsables au quotidien, et de les partager. On peut les voir comme des ambassadeurs citoyens, qui cherchent à entraîner derrière eux, à motiver les autres et à développer des pratiques plus respectueuses. »

Les familles éco-opportunistes aisées
Cette classe représente 17 % des répondants. Elle est constituée de familles nombreuses, résidant dans des villages de grande taille de la périphérie urbaine. Ces familles s’illustrent par des achats nombreux de biens de consommation. Leurs pratiques écoresponsables s’inscrivent dans cette dynamique et se caractérisent par des investissements, en grande partie subventionnés par l’État : voiture électrique, chauffage au bois, panneaux photovoltaïques, utilisation de l’eau de pluie dans le logement via un double circuit d’alimentation.
Sans être pionniers de la transition, ils peuvent devenir des influenceurs, leurs comportements visibles contribuant de fait à populariser des pratiques écologiques.

Les retraités engagés
Ils représentent 16 % des répondants. Ce sont d’anciens cadres, avec un niveau d’étude élevé et un réseau social développé. Leur participation à la vie locale est notable, y compris via Internet. Ils sont très sensibles aux enjeux environnementaux. Leurs éco-comportements sont nombreux : des déplacements à vélo à l’épargne solidaire en passant par une alimentation locale, bio et saine.
Contrairement aux ménages attentifs, les retraités engagés ne cherchent pas à convaincre un large cercle de la nécessité de leurs pratiques – tout au plus la partagent-ils au sein de la sphère familiale. En revanche, ils soutiennent toutes les mesures coercitives que pourraient prendre les pouvoirs publics pour entreprendre la transition socioécologique.

Les ménages précaires
Ils représentent 13 % des répondants. Il s’agit d’ouvriers, employés entre 30 et 44 ans, avec un enfant à charge, habitant en logement social. Leur situation financière est tendue et ils ont tendance à contracter des dettes. Ils font leurs courses en discount, ont une alimentation particulièrement déséquilibrée entrainant des problèmes de santé. Les ménages précaires cumulent les difficultés, ce qui les éloigne des comportements écoresponsables dans le sens où ces derniers ne trouvent pas place dans leurs préoccupations.

Les jeunes en situation de précarité
Ils représentent 12 % des répondants. Ces jeunes vivent seuls, alternent des périodes d’emploi et de chômage. Ce sont des habitués des réseaux sociaux. S’ils privilégient la marche pour se déplacer, c’est principalement pour des raisons économiques. En effet, leurs pratiques écoresponsables sont quasi-inexistantes. Ces jeunes sont avant tout en quête de stabilité professionnelle.
« Contrairement à ce qu’on peut penser – commente Cyril Masselot – il n’y a pas que les personnes âgées qui sont touchées par l’isolement. Des jeunes sont aussi concernés et n’ont personne sur qui compter en cas de problème. Le manque de lien social a tendance à occulter certains problèmes environnementaux... »

Les personnes vulnérables
Elles représentent 9 % de l’échantillon. Ces personnes rencontrent d’importantes difficultés liées à l’habitat (logement mal isolé, difficile à chauffer et à entretenir…) et, dans une moindre mesure, liées à la santé. Leur situation financière par ailleurs fragile les incite à surveiller voire limiter leur consommation.
« Leur profil – précise Cyril Masselot – est un peu différent des précaires, ménages et jeunes. Ce sont des gens plus sensibles aux questions écologiques, qui peuvent présenter quelques pratiques écoresponsables, en grande partie pour des raisons économiques. »

Les jeunes non autonomes
Ils représentent 7 % des répondants. Ils ont entre 15 et 29 ans, sont lycéens ou apprentis/alternants et vivent chez leurs parents. Adeptes des technologies (smartphone, jeux vidéo…) et des réseaux sociaux, leur comportement est marqué par une consommation importante. Bien que manifestant une certaine conscience des enjeux, ils s’estiment encore trop dépendants de leur famille pour se sentir les premiers concernés par des comportements écologiques. Ils demandent néanmoins de meilleurs transports en commun et des incitations financières pour favoriser les écogestes.

« Avec ces sept classes – explique Cyril Masselot – on voit que notre région est traversée par trois tendances : des profils aux comportements écoresponsables par engagement ; un profil dont les éco-comportements résultent davantage d’un opportunisme économique ; et des profils confrontés à des difficultés sociales, économiques et sanitaires qui les éloignent de ces comportements. On note souvent qu’en Bourgogne-Franche-Comté, les indicateurs socioéconomiques, taux de chômage, taux de pauvreté, sont plus favorables que la moyenne nationale ; c’est vrai. Il n’en reste pas moins de fortes disparités territoriales au sein de la région, et une dichotomie marquée entre les plus aisés et les plus précaires, qui en l’état entrave les mutations nécessaires. A partir de là, on peut commencer à agir ! » Et Cyril Masselot de rappeler que la transition à laquelle il travaille est la convergence de multiples transitions (5), environnementales, économiques, sociales, culturelles.

 
(1) Cyril Masselot est chercheur en sciences de l’information et de la communication, directeur adjoint du laboratoire CIMEOS. L’OTSE est intégré au programme de recherche « ORTEP Revitalisation – Observer, analyser et accompagner la revitalisation territoriale » développé à la MSHE.
(2) L’échantillon est stabilisé à 1 011 personnes de 15 ans et plus. Il est représentatif de la population régionale en termes de genre, classe d’âge et répartition départementale. Le niveau de confiance est de 95 % pour une marge d’erreur de 3 %. Le recueil des données a été réalisé de février à juin 2020.
(3) Nanta Novello Paglianti est chercheuse en sciences de l’information et de la communication, membre du laboratoire CIMEOS
(4) Les structures ayant participé au projet sont les suivantes : MSHE C. N. Ledoux (UFC, CNRS, UBFC) ; laboratoire Femto-ST (UTBM, CNRS, UBFC) ; laboratoire Cimeos (uB) ; campus durable et citoyen (uB) ; Chaire économie sociale et solidaire, université de Haute-Alsace ; IUT Besançon-Vesoul ; ADEME ; Observatoire régional de la santé ; Alterre-BFC ; Artis-le lab ; Graine BFC ; InterActiv ; FCPE ; projet Mobili’Terre ; Grand Besançon métropole ; Maison de l’environnement Territoire de Belfort ; LPO BFC ; Terre libre ; Unis-Cité BFC ; cabinet d’études Symetris ; Institut médico-éducatif (IME) ; établissement de santé de Quingey
(5) Voir le schéma Transitions en système, Repères 81 « Transition : la Bourgogne-Franche-Comté fait sa métamorphose », Alterre Bourgogne-Franche-Comté

Réalisation du schéma : Noémie Charve

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