Chercheurs et bénévoles main dans la main pour inventorier les bornes royales dans les forêts des Vosges saônoises, et avec elles analyser les usages des espaces forestiers depuis 300 ans. Cette collaboration déjà mise en œuvre à la MSHE dans les années 2010 (1) se renouvelle avec l’action « Bornes royales et héritages culturels et environnementaux dans les forêts des Vosges saônoises », sous la double responsabilité de Emmanuel Garnier, directeur de recherche CNRS spécialiste de l’histoire de l’environnement au laboratoire Chrono-environnement et Daniel Daval, archéologue bénévole et président de l’Association de recherche et d’étude des sites archéologiques comtois (ARESAC).
Implantées vers 1730 en Franche-Comté, les bornes sont des blocs de grès ornés des armes du roi de France, trois fleurs de lys sculptées en bas-relief, servant à délimiter des parcelles forestières. « Le bois présente un intérêt économique important pour le royaume de France, pour la construction navale et l’industrie notamment – explique Daniel Daval. L’administration royale veut donc protéger cette ressource en la soustrayant aux usages locaux traditionnels. C’est la raison d’être du bornage. » L’archéologue bénévole est le responsable scientifique des prospections archéologiques sur le terrain. Avec d’autres bénévoles (2), ils arpentent les anciennes forêts royales des Vosges saônoises, qu’elles soient devenues communales, domaniales ou privées, pour localiser et décrire les bornes. « Nous suivons les limites du domaine à l’aide du cadastre napoléonien pour retrouver le bornage sur le terrain et ainsi recenser et enregistrer chaque borne », explique-t-il. L’inventaire est précis : géolocalisation (3), dimensions, vérification de la roche, et photographies sous différents angles. Le rapport finalisé au printemps 2022 (4) retraçant les prospections 2021 sur les communes de Belfahy, Fresse, Servance-Miellin et Haut-de-Them-Château-Lambert contient 65 fiches descriptives, une par borne. Taillées dans du grès rose des Vosges, ces bornes mesurent 45 à 50 cm de largeur, 20 à 25 cm d’épaisseur sur une hauteur comprise entre 90 cm et 1m50, dont plusieurs dizaines de centimètres enterrés. Ces dimensions standardisées et le grès rose caractéristique ont permis aux prospecteurs de localiser quelques bornes dont il ne reste que la partie enterrée.« A noter aussi – poursuit Daniel Daval – une particularité que l’on retrouve également sur les bornes royales de la forêt de Chailluz à Besançon par exemple (5), c’est le couronnement en bâtière, c’est-à-dire à deux pans. Enfin, on observe qu’un angle supérieur, souvent le gauche, est largement écorné, très certainement pour marquer le changement de régime de propriété après la Révolution de 1789. Ce sont autant de caractéristiques qui intéressent la recherche mais aussi le public. » Car à l’objectif scientifique s’ajoute un objectif patrimonial, auquel chercheurs et prospecteurs bénévoles sont très attachés. Les résultats de l’action sont en effet rendus accessibles aux collectivités territoriales pour leur permettre de développer une politique de valorisation de ces richesses historiques tournée vers le grand public. C’est dans un cet esprit qu’une journée d’échange réunissant élus, chercheurs, bénévoles et public était organisée le 21 juin dernier à Melisey, dans le cadre d’un partenariat avec la Communauté de communes de 1000 étangs initié par Jean-Louis Bernard, membre de l’ARESAC. « Sauvegarder ce patrimoine est d’autant plus important – conclut Daniel Daval – que nous avons constaté sur le terrain les ravages de l’exploitation forestière sur tous les vestiges ! Pour l’ARESAC la sauvegarde passe par la diffusion de nos résultats de recherche mais aussi par la rénovation de certaines bornes. »
(1) Plusieurs actions de recherche conduites à la MSHE ont été développées avec l’ARESAC : LIEPPEC « lidar pour l'étude des paysages passés et contemporains » de 2009 à 2014 ; le chantier CHEF « construction historique des espaces forestiers » de l'ODIT « observatoire des dynamiques industrielles et territoriales » à partir de 2011.
(1) Plusieurs actions de recherche conduites à la MSHE ont été développées avec l’ARESAC : LIEPPEC « lidar pour l'étude des paysages passés et contemporains » de 2009 à 2014 ; le chantier CHEF « construction historique des espaces forestiers » de l'ODIT « observatoire des dynamiques industrielles et territoriales » à partir de 2011.
(2) Il s’agit de bénévoles de l’ARESAC et, pour les prospections 2021 de la SHAARL (Société d’histoire et d’archéologie de l’arrondissement de Lure)
(3) La géolocalisation est réalisée avec les GPS Trimble GEO7X de la MSHE puis vérifiée avec les données IGN (Géoportail et LiDAR).
(5) Les recherches antérieures auxquelles a contribué l’ARESAC ont notamment porté sur les bornes royales de la forêt de Chailluz à Besançon dont certaines ont pu être réimplantées. Lire l'article Des bornes royales réimplantées en forêt de Chailluz