Des objets de la Libération,
traces de mémoires transnationales en constitution
Denis Guillon (1926-1987), déporté par les Allemands pour faits de résistance en 1944-1945
Photo Studio Bernardot
Denis Guillon est un artiste maîtrisant le dessin et plus particulièrement l’art de la caricature. Il s’est formé comme dessinateur publicitaire aux établissements Vitry à Paris. Déporté de 1944 à 1945 pour avoir participé à des opérations de sabotage dans le Kommando méconnu de Günzerode, camp annexe de Dora-Mittelbau (Allemagne), ses œuvres clandestines représentent la vie quotidienne des déportés au sein des camps de concentration. La particularité de Guillon et de ses 23 dessins résident dans son style graphique et son humour toujours présent, comme arme face à l’humiliation et à la cruauté.
Le dessin intitulé Les travaux du mois d’août l'incarne : des prisonniers préparent une voie ferrée, des travaux pénibles sous un soleil de plomb. Cependant, les personnages sont représentés en train de s’assoupir, une araignée ayant eu le temps de tisser sa toile entre l’un d’eux, un escargot et une pelle, révélant une forme de résistance à la discipline de travail imposé par les nazis. Les œuvres de Guillon permettent de transmettre la vision de ceux qui étaient dans ce Kommando et aussi le souvenir de ceux qui ne sont plus.
Augustine Tomas, Marguerite Liotard et Suzanne Goizet 1945-1963,
Ax-les-Thermes, Vichy et Dijon
Inv. 2018.1336.02 et inv. 2020.1336.05
Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon, Fond Denise Guillemin
Photo Studio Bernardot
Déportée en avril 1943 au camp de Ravensbrück pour faits de résistance, Denise Guillemin est libérée le 5 avril 1945 par la Croix Rouge Suisse en échange de prisonniers allemands. Dès leur retour, ses camarades de déportation Marguerite Liotard et Augustine Tomas débutent une correspondance avec Denise Guillemin. En 1963, à la suite de la publication de son livre, Matricule 19374, c’est Suzanne Goizet qui lui écrit.
Cette correspondance permet de retracer le retour à la vie normale des déportées dans lequel s’inscrit le besoin de cette amitié, accentué par l’incompréhension des proches. Suzanne Goizet se confie : « Il m’est souvent difficile, avec le recul, d’imaginer que c’est moi qui ai vécu ces heures là ! ». Le lien entre elles est fort puisqu’il permet de poursuivre l’expérience concentrationnaire en échangeant sur ce traumatisme encore très présent, comme en témoignent d’ailleurs les signatures suivies de leurs matricules.
- MATARD-BONUCCI Marie-Anne, LYNCH Edouard (dir.), La libération des camps et le retour des déportés, Paris, éditions Complexe, 1995
- MEZZASALMA Philippe (dir.), Femmes en déportation : les déportés de répression dans les camps nazis, 1942-1945, Nanterre, Presses universitaires de Paris-Nanterre, 2018
- TILLION Germaine, Ravensbrück, Paris, Editions du Seuil, 1946, rééd. 1973
- WORMSER-MIGOT Olga, Le retour des déportés. Quand les Alliés ouvrirent les portes, Bruxelles, Versaille, 1985, rééd. 2020.

Claude Gilles (né en 1923)
Janvier-décembre 1945
Album de 86 tirages photographiques, noir et blanc, papier Velox et carton
Inv. 2017.1521.01
Fonds Claude Gilles, Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon
Photo Studio Bernardot
ALLER PLUS LOIN
- CHAUFFOUR Sébastien, DEFRANCE Corine, MARTENS Stefan, VINCENT Marie-Bénédicte (dir.), La France et la dénazification de l’Allemagne après 1945, Bruxelles, Peter Lang, 2019
- REMM Patrick, La 1ere Armée Française : de l’Alsace à l’Autriche 1944-1945, Issy-les-Moulineaux, Le Casque et la Plume, 1999
N° inv. :
978.391.11.1 sandales (bleu/blanc/rouge) ;
2011.1453.01.1 semelle bois ;
2011.1453.01.2 empeigne ;
976.238.394 rondelles renforcement clouées sous semelle bois ;
2017.1522.05 chaussure femme ;
2017.1522.06 clous ;
2017.1522.07 (1-2) semelles articulées.
Cet ensemble de chaussures franc-comtoises de pointures différentes, entières ou aux parties séparées, montre la diversité des moyens de se chausser dans la « zone interdite » en France occupée.
Besançon est envahie par les forces allemandes le 16 juin 1940. « L’aryanisation » de l'économie française, appliquée à l'ensemble de l'hexagone, est davantage poussée en cette zone. Font défaut tant la main d’œuvre (du fait du manque des prisonniers de guerre et du STO à partir de 1943) que les matières premières, l’armistice imposant à la France de livrer nombre de matières coûteuses : la laine, la soie, et bien sûr le cuir. Les matériaux ayant servi à se chausser montrent la nécessité pour les particuliers de composer avec les moyens dont ils disposent. Ces chaussures permettent aussi de montrer une survivance de la mode.
ALLER PLUS LOIN
- DORE-RIVE Isabelle (dir.), Pour vous Mesdames ! La mode en temps de guerre, Lyon, éditions Libel, 2013
- ANTELME Sandy, VEILLON Dominique, 1940-1944. Se chausser sous l’Occupation, Lyon, Editions Libel, 2016 (sur le site myctc.fr/livre/3036/1940-1944-se-chausser-sous-loccupation.html)
- https://www.estrepublicain.fr/societe/2020/08/17/il-y-a-80-ans-le-quotidien-des-francs-comtois-sous-l-occupation (consulté le 13 mai 2021)
- https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/doubs/besancon/inedit-une-these-vous-raconte-ce-qui-s-est-passe-sous-l-occupation-allemande-a-besancon-1949728.html : thèse de Anne-Laure Charles soutenue en 2020 à l’université de Besançon sous la direction de Paul Dietschy (consulté le 14 mai 2021)