
La première « Deux frontières aux destins croisés ? » a réuni 18 chercheurs, historiens, sociologues, géographes et politistes au cours d'ateliers thématiques qui se sont déroulés en 2015. L'objectif de cette action était de comparer sur un temps long – de la naissance de l'Etat moderne au XIVe siècle jusqu'à aujourd'hui – les deux délimitations, d'un côté entre la Bourgogne et la Franche-Comté et de l'autre entre la France et la Suisse. Bien que géographiquement proches, ces deux frontières ont suivi des évolutions différentes. Celle entre la Duché de Bourgogne et la Comté s'est progressivement estompée, depuis le XVIIe siècle et le rattachement de la Franche-Comté à la France, jusqu'à disparaître aujourd'hui avec la fusion des régions. La frontière entre la France et la Suisse s'est, elle, progressivement affirmée, de l'espace commun de l'arc jurassien à l'époque médiévale jusqu'à devenir une frontière de souveraineté, l'une des dernières entre la France et un Etat non membre de l'Union Européenne. Ces transformations ont des effets sur l'organisation des sociétés, les jeux d'acteurs et les sentiments d'appartenance – trois aspects qui ont été au cœur des échanges entre chercheurs au cours des ateliers thématiques et dont la restitution paraîtra aux Cahiers de la MSHE en 2017.
La seconde action de recherche « DELIMMAT, des délimitations immatérielles » visait à approfondir le travail de comparaison entre les deux frontières lors d'une journée d'études, qui s'est tenue en septembre 2016 et qui donnera lieu à une publication dans les Annales de Bourgogne en 2018. Cette journée a réuni un groupe encore plus élargi de chercheurs, qui se sont intéressés aux représentations collectives, représentations de l'autre, des territoires... et à leurs influences sur les effets de frontière. Les représentations constituent en effet un enjeu essentiel des actions et des discours ; elles participent du sentiment d'appartenance, elles peuvent séparer des groupes de population et renforcer les délimitations. Dans le même temps, coexistent des pratiques de projets, de coopération, de mobilité entre les territoires, qui invitent à dépasser ces délimitations et font évoluer les sentiments d'appartenance.
Les intervenants à la table ronde du forum citoyen – P. Bodineau, J-C. Duverger, Ph. Receveur, J. Loiseau et A. Moine – sont revenus sur ces questions de coopération et de projets aux frontières. Ils ont abordé les conditions de leur mise en place (volonté politique, confiance), les difficultés mais aussi les nécessités politiques que des territoires comme la France et la Suisse ont à coopérer. Certains ont souligné des découpages territoriaux de fait liés aux flux de main d'œuvre ou aux politiques d'aménagement des territoires (avec les bassins de formation, de vie...) – découpages qui se jouent des frontières administratives. D'autres ont montré comment des frontières fortes (entre la France et la Suisse) créent des dynamiques réelles tandis que des frontières plus faibles (entre la Bourgogne et la Franche-Comté) tendent à produire des zones d'ombre et à exacerber les concurrences. La question de la rivalité entre Besançon et Dijon a bien sûr été soulevée : elle cristallise les débats, mais pour plusieurs intervenants semble réductrice au regard des enjeux de la réforme territoriale.
Le forum a fait l'objet d'une captation vidéo assurée par la Communauté du savoir.