Besançon et ses espaces forestiers: la MSHE contribue à la vie locale

actu20190205 CFruchart BNFLa Ville de Besançon, propriétaire d’environ 2 000 ha de forêts communales, inscrit sa politique forestière dans un plan d’aménagement permettant de programmer la gestion de la forêt sur une période de 20 ans. Fin 2017 dans le cadre de la révision de ce plan d’aménagement forestier, la Ville a initié une démarche participative « Besançon naturellement forestière » (BNF) qui s’est poursuivie jusque fin 2018. Catherine Fruchart, chercheuse associée à la MSHE, a contribué à la réflexion.
Rencontre.

Catherine Fruchart, vous avez participé à la démarche « Besançon naturellement forestière » au nom de la MSHE. Comment expliquer la présence de la MSHE dans cette démarche citoyenne ?
Pour le projet BNF, la Ville de Besançon a voulu solliciter chaque acteur du milieu forestier, en tenant compte de la dimension multifonctionnelle de la forêt. L’objectif était de faire émerger des actions novatrices en lien avec le changement climatique et l’évolution de la gestion forestière. Pour la MSHE, participer à cette démarche s’imposait ! Cela s’inscrit dans la continuité d’actions de recherche menées au cours des dix dernières années, avec plusieurs programmes financés par la Ville de Besançon, la région Franche-Comté, l’État et l’Europe (1).Dans le cadre de ces programmes, nous avions déjà mis en place des collaborations avec la Ville et l’Office National des Forêts (ONF). Participer à BNF c’était aussi l’occasion de contribuer à la vie locale et de partager les connaissances et résultats acquis sur les forêts bisontines avec un public non initié à la recherche scientifique, en s’appuyant sur différents champs disciplinaires : archéologie, histoire, géographie et sciences de l’environnement.

Concrètement, comment le travail-a-t-il été mené ?
La démarche pilotée par la Ville a été résolument participative ! Le travail collectif a consisté en la co-construction d’un document d’objectifs. La concertation a été organisée en plusieurs phases d’élaboration et de rédaction de ce document. Les personnes invitées à intervenir sont des professionnels, des membres et représentants d’associations ou encore des chercheurs – toutes ces personnes ayant des activités en lien avec la forêt – auxquels se sont ajoutés tous les Bisontins qui le souhaitaient. Trois réunions publiques ont été organisées en décembre 2017, avril et octobre 2018. Elles comprenaient plusieurs temps d’activités, avec des présentations thématiques (2), des moments d’échanges collectifs et aussi des échanges en plus petits groupes autour d’un thème précis. Elles ont rassemblé entre 45 et 100 personnes, selon les séances. J’ai participé à toutes ces activités et aux échanges et j’ai aussi apporté une contribution écrite présentant l’intérêt du patrimoine naturel et historique des forêts de Besançon, et l’utilité de sa préservation.
Lors de la dernière réunion publique, fin octobre 2018, le document d’objectifs a été présenté. Il synthétise l’ensemble des résultats et rassemble les objectifs retenus par la collectivité pour ses forêts sur les vingt prochaines années. Ce document a ensuite servi de référence à l’ONF pour rédiger un nouveau document d’aménagement forestier, qui programme la gestion de la forêt de 2019 à 2039. Enfin, un conseil de la forêt a été constitué pour suivre l’élaboration et la mise en œuvre du nouveau document d’aménagement forestier.

Qu’ont apporté à cette démarche les recherches menées à la MSHE ?
Globalement, les travaux de recherche menés à la MSHE ont apporté des connaissances nouvelles sur les forêts de Besançon et ont permis de mieux cerner leur valeur patrimoniale actuelle. On connaît ainsi mieux l’histoire de ces forêts, à la fois du point de vue de leur rôle social et du point de vue de leur trajectoire environnementale. Deux thèses universitaires ont été consacrées à la forêt de Chailluz (3). Il y a aussi des travaux d’étudiants en master, des articles scientifiques et des rapports remis aux financeurs et aux partenaires. La MSHE a été à l’initiative de prospections archéologiques annuelles et de fouilles en collaboration avec la DRAC – service régional de l’Archéologie. Elle a également réalisé des analyses paléoenvironnementales, et collaboré à des relevés floristiques initiés par des chercheurs du laboratoire Chrono-environnement (4).
Tous ces travaux donnent une vision d’ensemble de la forêt, de son histoire et permettent de documenter ses différentes fonctions. D’une manière générale, la forêt est un milieu qui rend de multiples services et on lui reconnait au moins trois grandes fonctions : sociale, écologique et économique.
La première fonction sociale correspond à l’accueil du public. C’est une fonction importante pour nos forêts situées à proximité d’une grande ville. Les Bisontins ont un lien social et historique fort avec leur patrimoine forestier. La forêt de Chailluz, qui occupe près du tiers de la surface communale, est très ancienne : elle existe dès le Moyen-Âge. Dès cette période, c’est un bien communal, et la population locale bénéficie de droits d’usage. Par ailleurs, le massif de Chailluz abrite un patrimoine historique et archéologique : on y trouve les indices d’une occupation bimillénaire, des vestiges témoignant de l’exploitation du bois et de la pierre à diverses périodes (carrières, fours à chaux, places à charbon), ou encore des aménagements militaires modernes, et des dizaines d’anciens chemins de diverses périodes.
Les forêts ont aussi une fonction écologique de premier ordre, dont la prise en compte est devenue incontournable aujourd’hui. Elles fixent et stockent le carbone, c’est un moyen de lutter contre le réchauffement climatique. Elles assurent la qualité et la régulation d’une partie du circuit de l’eau, elles facilitent la régulation du climat local, et sont d’importants réservoirs de biodiversité. Historiquement, Besançon a la chance d’avoir pu préserver une bonne partie de son patrimoine forestier hérité du Moyen-Âge, à la périphérie immédiate de la ville. Il y a une continuité du boisement, très importante en termes de biodiversité. En effet, les forêts anciennes abritent des écosystèmes dont la mise en place se fait à la faveur d’une longue continuité forestière, pluriséculaire. La valeur de remplacement écologique des forêts anciennes est élevée, car la perte de biodiversité associée à un épisode de déforestation est récupérée, dans le meilleur des cas et au plus tôt, à l’issue de plusieurs siècles de reboisement continu.
En résumé, les forêts bisontines possèdent à la fois un patrimoine historique et naturel qui a de la valeur.
Enfin, les forêts ont une fonction économique. A Besançon, l’exploitation des massifs doit être compatible avec des enjeux écologiques et sociétaux, en cherchant à éviter la surexploitation des massifs et à privilégier le renouvellement naturel des peuplements forestiers. A l’échelle régionale, la filière bois est économiquement dynamique et la valorisation des produits de coupe peut être envisagée sur des circuits courts. Les forêts de Besançon ont donc un rôle à jouer dans l’économie régionale.

(2) Les présentations sont disponibles sur le site BNF.
(3) Celle de Catherine Fruchart en 2014 « Analyse spatiale et temporelle des paysages de la forêt de Chailluz (Besançon, Doubs) de l'Antiquité à nos jours » et celle d’Aurore Dupin en 2018 « Caractérisation du charbonnage moderne et contemporain bisontin (Franche-Comté, France) et de son impact sur les peuplements forestiers. Le cas de la forêt de Chailluz ».
(4) Pascale Ruffaldi, Eric Lucot et Olivier Girardclos