Retour sur la conférence «Les internautes algériens et leur cyberdarija»

actu20170109 conf cyberdarijaMohammed Zakaria Ali-Bencherif et Azzeddine Mahieddine (1) étaient invités le 30 novembre 2016 pour une conférence organisée par Anne-Sophie Calinon et Nathalie Thamin (2) dans le cadre de l'action « Dynamiques spatiales, langagières, identitaires de la circulation migratoire étudiante (Maghreb, France et Canada) (3) » de la MSHE Ledoux. La conférence a porté sur les utilisations de l'arabe algérien sur supports numériques et les évolutions de la langue induites par ces usages.

L'arabe algérien, dit darija, est une langue vernaculaire, quasi orale, non codifiée et qui ne bénéficie d'aucune reconnaissance officielle. Le développement des technologies de l'information et de la communication, avec sa diversité de supports (smartphone, tablette, ordinateur...), entraîne un passage à l'écrit massif de cette langue. Ce sont ces transformations que les chercheurs ont analysées, en s'intéressant notamment à la graphie de cette cyberdarija et à ses caractéristiques plurilingues et multiformes. Ils se sont appuyés sur une enquête par questionnaire et sur l'analyse d'un corpus de conversations pour montrer la forte prédominance de la graphie latine, liée notamment à des contraintes linguistiques et techniques. Ils ont également montré que la cyberdarija se caractérise par l'usage d'un code simplifié (une écriture quasi phonétique notamment) qui répond aux contraintes de la conversation écrite : un code efficace, rapide et qui permet de minimiser la fatigue liée à la dactylographie. Alors que la « cyberlangue » est généralement définie par opposition à une norme linguistique associée à l'écrit conventionnel, la cyberdarija, qui n'a pas d'orthographe codifiée, ne peut être définie comme un écart par rapport à une norme préexistante. Ainsi libérées de toute norme d'écriture conventionnelle, les pratiques scripturales de l'arabe algérien sont ouvertes à la créativité à partir des possibilités qu'offre le clavier, tout en satisfaisant aux contraintes d'économie et d'efficacité du « cyberlangage ». Pour les conférenciers, le système d'écriture de la cyberdarija est né d'une connivence graphique, une convergence vers un système de correspondances grapho-phonétiques qui comporte ses régularités et ses variations. L'arabe algérien connait donc une dynamique et tend vers une codification, qui n'existait pas jusque-là.

(1) Chercheurs en sciences du langage au laboratoire Dylandimed de l'université Abou Bekr Belkaid à Tlemcem en Algérie
(2) Toutes deux maîtres de conférences en sciences du langage, laboratoire CRIT, Université Bourgogne Franche-Comté

(3) Cette action de recherche associe, outre Anne-Sophie Calinon et Nathalie Thamin, Katja Ploog, professeur en sciences du langage, laboratoire ligérien de linguistique, université d'Orléans