Les humanités numériques au service des arts de la guerre anciens

Humanites numeriques arts guerre ATMAATMA (Ancient Texts of Military Arts) est une bibliothèque numérique dédiée aux ouvrages techniques de la tradition militaire occidentale du XVIe au début du XVIIe siècle. Cet outil inédit dans le domaine, qui a bénéficié d’un financement de l’université de Franche-Comté (1), est développé à l’initiative de Michel Pretalli (2) et dans le cadre d’une action ISTA-MSHE (3). ATMA met à disposition les textes numérisés et plusieurs outils d’analyse adaptés aux textes de la fin de la Renaissance. « Ces traités consacrés aux aspects techniques, c’est-à-dire la tactique, l’architecture militaire, balistique, etc. sont souvent mal connus et de fait peu étudiés, alors qu’ils ont contribué de manière décisive au développement des sciences et techniques » – explique le chercheur. Le projet vise donc à soutenir de nouvelles pistes de recherche dans des perspectives variées : histoire des sciences et des techniques, études historiques et littéraires, histoire du livre, évolution des représentations graphiques…

Constituer une bibliothèque numérique
La plateforme est développée par William Bonicina, doctorant en études italiennes (4), avec le logiciel OMEKA-S de gestion de bibliothèque numérique. La visionneuse permet de consulter page après page les ouvrages au format image haute résolution IIIF (International Image Interoperability Framework). Est également prévue une version dite « océrisée », c’est-à-dire sous la forme d’un fichier texte obtenu par reconnaissance optique de caractères (OCR pour optical character recognition).
Pour l’heure la bibliothèque recense 75 textes numérisés en français et en italien, dont trois sont « océrisés ». À moyen terme, tous les ouvrages publiés dans ces deux langues entre 1500 et 1650 seront accessibles, soit 250 à 300 publications. « Nous avons choisi de commencer par les livres en français et en italien, car ce sont des langues que nous maîtrisons, chose importante pour la phase d’océrisation » poursuit Michel Pretalli. Le logiciel libre d’OCR e-scriptorium est utilisé pour la transcription ; il permet un taux de reconnaissance des caractères de l’ordre de 93 %, le reste devant être corrigé manuellement. Les erreurs sont souvent récurrentes, liées à des caractères formés un peu différemment au XVIe siècle. Identifier et corriger ces erreurs permet de perfectionner le modèle de reconnaissance et de minimiser les corrections manuelles par la suite.
Les ouvrages d’ores et déjà « océrisés », permettent une recherche par mots-clés dans la visionneuse. Pour aller plus loin, les chercheurs prospectent des outils complémentaires pour rendre accessible la version plein texte, en sus des versions images et pdf. L’objectif est de constituer une base de données rassemblant tous les ouvrages et permettant des recherches sur l’ensemble corpus.

Les outils d’analyse
Outre les recherches possibles dans les textes, d’autres outils permettent d’explorer, de comparer et d’analyser les publications.

La modélisation 3D des fortifications, réalisée à partir des illustrations techniques et des informations mentionnées dans l’ouvrage.
Exemple d'un plan dessiné par Buonaiuto Lorini dans Le Fortificationi (1609)
Une carte interactive permet de localiser les batailles, les fortifications et les lieux de publication, et à partir de cette localisation de remonter à l’ouvrage.
À noter encore la présence d’un glossaire technique et de biographies des auteurs des textes militaires.

Le catalogue sera progressivement alimenté, avec la contribution d’étudiant·es en master humanités numériques (5) de l’université de Franche-Comté. D’ici la fin de l’année universitaire, une quinzaine d’ouvrages devraient être entièrement disponibles (version « océrisée », modèle 3D etc.) – des ouvrages en français et en italien d’abord. Ensuite, Michel Pretalli souhaite monter un programme international en vue d’enrichir la bibliothèque de publications en d’autres langues, jusqu’à couvrir toute l’Europe.


(1) Financement Chrysalide projet émergent, UFC, 2022
(2) Michel Pretalli est professeur des universités en études italiennes, chercheur à l’ISTA (Institut des sciences et techniques de l’Antiquité).
(3) https://mshe.univ-fcomte.fr/atma
(4) Sa thèse « Des traités italiens à l’œuvre de Vauban : le développement du front bastionné dans la littérature technique » est menée sous la direction de Michel Pretalli.
(5) Master, Rare Book and Digital Humanites, UBFC

Photo : Capture de L'Architecture militaire moderne ou Fortification confirmée par diverse histoires tant anciennes que nouvelles, & enrichies des figures des principales Forteresses qui font l'Europe par Matthias Dögen, Natif de Drambourg en la Marche. Mise en François par Helie Poirier, Parisien, 1648