Le colloque « Pif Gadget et compagnie : approches pluridisciplinaires » s’est déroulé les 4 et 5 février 2021 en distanciel (1). Il s’inscrit dans un projet de recherche, porté par Sébastien Laffage-Cosnier et Christian Vivier du laboratoire C3S (2), lauréat de l’appel à projets 2020 « transmission, travail, pouvoirs » de la Fédération des MSH de Bourgogne et de Franche-Comté.Les succès des ouvrages de Richard Medioni et de Christophe Quillien (3) relatifs à l’histoire de Pif Gadget témoignent de l’intérêt porté par un lectorat nostalgique de ce magazine. Pour autant, cette publication jeunesse et son inscription dans la mémoire collective a suscité peu de travaux au sein de l’université, jusqu'à une période récente. Un précédent programme de recherche intitulé « PIFERAI - Pif, dans tous ses états : recherches, archives, interdisciplinarité » orchestré par Henri Garric et Jean Vigreux (4) en 2018, également soutenu par la Fédération des MSH, a comblé un manque certain sur les origines et la genèse de Pif Gadget. Le présent colloque souhaitait questionner les décennies suivantes. La longévité de Pif Gadget et son lien avec le PCF interrogent évidemment quant à la bolchévisation éventuelle des jeunes d’une génération très hétéroclite. Cependant, cette « politisation ouvrière » et communiste via Pif Gadget est-elle aussi durable et puissante qu’on pourrait le penser ? Résiste-t-elle à l’uniformisation des imaginaires par la culture de masse ? Telles étaient les questions qui avaient été posées à la douzaine de chercheur.e.s ayant répondu à l’appel à communication. Afin d’aider les chercheur.e.s participant au projet dans leurs investigations, Sébastien Laffage-Cosnier et Christian Vivier avaient mis à leur disposition, dès le mois de mai 2020, la collection de Pif Gadget quasi-complète et numérisée, à savoir plus de 1000 numéros de 1969 à 1993 ainsi que les 50 numéros de 2004 à 2008.
Lors du colloque, les interventions croisant des approches variées appartenant aux champs esthétiques, littéraires, historiques, géographiques, sociologiques, philosophiques et épistémologiques, ont analysé ce volumineux corpus sous ses formes documentaires, contextuelles, linguistiques, plastiques, iconiques, iconologiques, etc., interrogeant les bandes dessinées publiées, les gadgets ou encore les jeux.
Les chercheur.e.s ont ainsi montré la volonté du magazine, des éditeurs et des auteurs de transmettre non seulement des messages idéologiques souvent compliqués, mais également des connaissances scientifiques et intellectuelles à l’instar d’une publication-jeunesse support de leçons de choses, de géographie ou d’histoire. Plus encore, elles et ils ont souligné l’impact des séries dessinées sur les jeunes générations leur permettant de construire leur capital spatial, un modus habitandi, à partir des « romans-géographes » qui réalisent le monde. Cette réflexion a d’ailleurs ouvert une perspective généralisable. Certaines fictions publiées dans Pif Gadget pourraient ainsi être définies comme autant de romans-ingénieurs et/ou scientifiques (roman-historien, roman-géographe...) et même roman-artiste dès lors que la bande dessinée est pensée et questionnée comme un objet hybride et de subversion. Pour finir, l’étude des contenus de ces succès de presse dessinée a permis de mieux saisir, à l’aide de dimensions plurielles, le délitement de la culture populaire ouvrière au profit d’une culture jeunesse uniformisée et moins engagée et, peut-être même, le désenchantement de ces jeunes générations visible à travers des récits de fiction qui abandonnent peu à peu la morale et les principes idéologiques à mesure que s’impose la société de consommation.
Les communications et les riches échanges de ces deux journées donneront lieu à un dossier thématique dans la revue Strenae Recherches sur les livres et objets culturels de l’enfance (5).
(1) La cellule vidéo de l’UFR STAPS a assuré la connexion distancielle entre les participant.e.s, la réalisation audiovisuelle et la retransmission en streaming ouverte à tou.te.s.
(2) Culture, sport, santé, société
(3) Medioni Richard, L’Histoire complète 1901-1994 : Les journaux pour enfants de la mouvance communiste et leurs BD exceptionnelles, Trieste, Vaillant Collector, 2012. Medioni Richard, Pif Gadget : la véritable histoire des origines à 1973, Paris, Vaillant Collector, 2003. Quillien Christophe, Pif gadget : 50 ans d’humour, d’aventures et de BD, Paris, Hors collection, 2018.
(4) Henri Garric est rattaché au Centre pluridisciplinaire textes et cultures (CTPC), université de Bourgogne. Jean Vigreux est rattaché au Laboratoire interdisciplinaire de recherche “Société, sensibilité, soin” (LIR3S), université de Bourgogne.
(5) Le dossier thématique est à paraître au cours du dernier trimestre 2022 sur la plateforme OpenEdition Journals. Dès 2021, deux comptes rendus du colloque paraîtront dans les revues 20 & 21 et Le Temps des médias sur la plateforme CAIRN.