Et pourtant elles étaient là est le titre d’un documentaire réalisé sous la houlette de Marta Alvarez (1) par un collectif d’étudiants (2) de l’UFR SLHS et de cinéastes (Carolina Astudillo Muñoz, Jairo Boisier et Lucien Petitjean). La MSHE Ledoux, qui a prêté du matériel pour filmer et enregistrer, en est partenaire (3). Et pourtant elles étaient là interroge la mémoire des groupes Medvedkine et la place des femmes dans ce cinéma militant et dans la société des années 1960-1970. Son origine est à rechercher dans des collaborations antérieures entre Marta Alvarez et Carolina Astudillo mais aussi dans un constat : « bien qu’ils soient un référent pour les cinéphiles, les groupes Medvedkine ne sont pas connus de nos étudiantes et nos étudiants » note Marta Alvarez. Pour partir sur leur trace, le collectif rencontre trois femmes qui ont participé aux groupes : Dominique Bourgon, Suzanne Zedet et Annette Paléo. A travers elles, il s’agit de « mieux connaitre l’aventure Medvedkine et les expériences des femmes de cette époque » dit la voix off sur des images d’archive.
Les groupes Medvedkine découlent de la réception par les ouvriers du film de Chris Marker et Mario Marret A bientôt j’espère tourné à Besançon en 1967 sur la grève à la Rhodiaceta. « La Rhodiaceta en 67 c’est l’une des plus grandes usines du pays. Lors de la grève, les ouvriers occupent l’usine, c’est la première occupation depuis 1936 ! Le Centre Culturel Populaire de Palente et les Orchamps (CCPPO) invite alors Chris Marker » explique Marta Alvarez. Mais le film A bientôt j’espère déçoit les ouvriers, qui ne s’y reconnaissent pas. Chris Marker en conclut qu’un cinéma véritablement militant doit être réalisé par les ouvriers eux-mêmes, et il leur apporte l’appui technique nécessaire. Les groupes Medvedkine de Besançon et Sochaux produisent plusieurs courts-métrages entre 1967 et 1974.
« Le projet de notre documentaire – poursuit Marta Alvarez – était d’appréhender ces groupes en questionnant la mémoire de celles qui ont participé à l’expérience, cela nous a permis de nous rapprocher en même temps de la mémoire d’autres femmes de l’époque, qui ont été bien souvent invisibilisées et nous avons pu par ailleurs interroger nos propres mémoires, à travers les figures de nos mères et de nos grand-mères. » Car Et pourtant elles étaient là fait dialoguer les époques, se croiser les images d’hier et d’aujourd’hui dans une mise en perspective des expériences – expériences de femmes mais aussi expériences cinématographiques des ouvrier.e.s des groupes Medvedkine et des étudiant.e.s partis sur leur trace caméra au poing !
La première projection du documentaire qui devait avoir lieu au Petit Kursal de Besançon au printemps dernier est reportée à une date encore non connue en raison de la crise sanitaire. Mais le collectif réalisateur se veut optimiste et projette même une tournée dans les universités françaises et étrangères. En attendant de montrer le film au public, le travail se poursuit sous une autre forme : une exposition photos Mémoires en Mouvement est en préparation, en partenariat avec l’ENSA de Dijon et la MSHE Ledoux. Une aventure artistique à suivre…
(1) Marta Alvarez est maîtresse de conférences en littérature espagnole et chercheuse au CRIT (Centre de recherches interdisciplinaires et transculturelles). Ses recherches portent notamment sur le cinéma, le documentaire, le féminisme.
(2) Notamment Whesley Mongins, Chloé Bolzinger et Fanny Duhaupas (en formation littérature jeunesse), Elise Grosvenier et Corentin Houmaire (en formation information et communication), Manon Glauser (formation anglais), Chloé Deloye, Zoé Mouillon et Flora Vautier (formation espagnol), ainsi que d’autres étudiant.es d’anglais, espagnol, information et communication et sociologie qui ont participé plus ponctuellement.
(3) Le documentaire a reçu le soutien de la DRAC Bourgogne Franche-Comté, l’IUT Le Creusot, Junior Agence Master T2M, Les deux scènes – Petit Kursaal, MYC (Mujeres y Cine), la MSHE Nicolas Ledoux, Projet Après’Lang et de l’UFR SLHS université de Bourgogne Franche-Comté.