Retour sur le colloque «Fins de vie plurielles, identités, conscience de la mort et démocratie»

actu 20191125 retour colloque finsvieLe colloque « Fins de vie plurielles, identités, conscience de la mort et démocratie » s’est tenu les 4 et 5 novembre 2019 à la MSHE. Il était organisé par Sarah Carvallo, professeur de philosophie au laboratoire Logiques de l’Agir, en partenariat avec la Plateforme nationale pour la recherche sur la fin de vie. Le colloque s’inscrit dans l’action de recherche « Humanités médicales » que porte Sarah Carvallo dans le pôle 3 « Normes, pratiques et savoirs » de la MSHE Ledoux. Il visait à comprendre comment faire droit à des logiques de fin de vie plurielles. Cette perspective permet de revisiter le modèle dominant de l’agent rationnel ou de l’individu autonome et performant en interrogeant ce que cette période de la vie peut enseigner aux autres générations pour les moments de vie en santé, en éducation ou au travail. Elle permet également d’interroger le rôle de la médecine et de l’État en ce qu’ils transmettent à travers leur offre de soin ou plans d’action une vision de la personne qui risque d’être partiale et normative.
Les interventions et discussions des deux journées ont ainsi examiné différentes questions : quelle est la spécificité de l’expérience de fin de vie et comment en comprendre la valeur ? En quoi la conscience de la mort et la pluralité des postures permettent-elles de mieux analyser les enjeux de cette expérience de vie et de revisiter le statut de la personne vivante qui la sous-tend dans le cadre de la démocratie ? Comment garantir l’impartialité du cadre épistémique, théorique et pratique où se déploient les fins de vie ?
Pour répondre à ces questions, Sarah Carvallo a souhaité un colloque pluridisciplinaire, rassemblant philosophes, sociologues, médecins – qui pratiquent le soin et accompagnent la fin de vie – juristes – qui définissent les catégories du légal et de l’illégal – et anthropologues – qui étudient les manières d’être des hommes, des femmes, des patients, des citoyens. Ensemble, les intervenants ont analysé la fin de vie comme un enjeu à la fois médical et thérapeutique, sociologique, politique, éthique, anthropologique. Ils ont ainsi envisagé la fin de vie comme révélateur pour comprendre la légitimité et l’irréductibilité du pluralisme, c’est-à-dire de cette posture intellectuelle qui vise à admettre la coexistence de différentes pratiques et conceptions raisonnables. La fin de vie ne peut alors pas être appréhendée par une théorie (scientifique, politique, éthique) homogène et unifiée. Les réflexions de ces deux journées ont au contraire souligné la nécessité de chercher à reconstituer des significations partagées capables de tenir compte de la pluralité. En démocratie, cela pose question : comment faire lorsqu’il y a pluralité de sens ? Comment faire lorsque cette fin de vie se trouve prise en charge médicalement ? Commet respecter la solitude de chacun sans le confiner dans la désolation et l’isolement ? Comment accompagner pour que cette période puisse trouver son sens ou sa vérité non seulement aux yeux du mourant, mais aussi de ses proches et de la société ? Dans une démocratie, l’État, la médecine ne sont là que pour accompagner cette possibilité offerte de donner sens à la mort, donc à la vie. Ils ne sont pas là pour imposer une interprétation. Car la mort ne désigne pas l’autre de la vie, mais ce qui nous enjoint à vivre pleinement, à vivre jusqu’à la mort – pour reprendre l’expression de Paul Ricoeur.