Explorer les mécanismes neurocognitifs de l’action

actu20211011 REPRESACTTourner un robinet, installer une boule de noël ou se brosser les cheveux sont des gestes simples de la vie quotidienne. Ils mettent néanmoins en jeu des mécanismes neurocognitifs, que Mathieu Lesourd, maître de conférences en neuropsychologie et psychologie cognitive (1), explore dans ses recherches. L’action REPRESACT (2) qu’il développe à la MSHE s’intéresse notamment aux représentations mentales qui sont activées lors de l’utilisation d’objets familiers. Pour comprendre la nature des processus qui sous-tendent les deux composants de l’action, que sont la saisie et la manipulation, le chercheur a développé une expérience comportementale à l’aide des outils de l’unité ESCCo (3) (Expérimentations pour les Sciences du Comportement et de la Cognition). La tâche, contrôlée par ordinateur, consiste pour les sujets à déterminer si les deux objets qu’ils voient à l’écran se saisissent de la même manière ou non et se manipulent de la même manière ou non. Le dispositif enregistre le temps de réponse et son exactitude. L’objectif ? Mesurer si le sujet accède plus rapidement aux représentations de la saisie qu’à celle de la manipulation ou inversement. Autrement dit, évaluer si les représentations de la saisie et de la manipulation sont distinctes ou encore si une hiérarchie entre elles est observable.
Margaux de Bergen, étudiante en master de psychologie cognitive et neuropsychologie, a déjà soumis 32 sujets sains à l’expérience et 16 autres vont l’être cet automne. Les premiers résultats montrent des temps de réponse équivalents lorsque, pour une paire d’objets, les dimensions saisie et manipulation sont toutes deux congruentes ou toutes deux non congruentes. En revanche, si l’une des dimensions est identique mais l’autre pas, un temps supplémentaire est nécessaire pour évaluer la seconde dimension. « C’est intéressant – dit Mathieu Lesourd – parce qu’on montre que chez le sujet sain, il n’y a pas de hiérarchie entre les deux types de représentation : vous n’allez pas plus vite à traiter de la posture (saisie) qu’à traiter de la manipulation. Par contre on observe que les deux types de représentations s’auto-influencent. Quand on réfléchit à la posture, on est influencé par l’aspect de manipulation qui est porté par l’objet. Et vice versa. Notre expérience montre que les processus neurocognitifs qui traitent de ces deux dimensions sont interconnectés, chez le sujet sain. » Mathieu Lesourd et Margaux de Bergen vont poursuivre leurs investigations avec l’unité ESCCo en intégrant à l’expérience des données d’électroencéphalographie et d’électromyographie. « C’est exploratoire – poursuit Mathieu Lesourd – pour voir si en incluant des mesures neurophysiologiques, on observe une dissociation des composants liés à la posture ou à la manipulation. » Ces expériences comme celles déjà réalisées concernent des sujets sains. Une seconde partie de la recherche, en partenariat avec le CHRU de Besançon (4) s’adresse à des patients présentant des atteintes cérébrales, à la suite d’un AVC par exemple. Les chercheurs prévoient d’adapter la tâche en vue de soumettre à l’expérience des patients avec des lésions vasculaires de l’hémisphère gauche ou de l’hémisphère droit. Il s’agit d’observer, en fonction de la localisation de la liaison, si certaines représentations liées à la saisie ou à la manipulation sont déficitaires. « On voit que chez le sujet sain – explique Mathieu Lesourd – les mécanismes neurocognitifs qu’on active quand on se représente la saisie et la manipulation sont interconnectés. Alors que chez un patient atteint de lésion cérébrale, ces mécanismes peuvent être dissociés, l’intérêt va maintenant être de savoir quelles régions cérébrales sont spécifiques de l’une ou l’autre dimension. ». L’étude, qui bénéficie d’un financement de la Région Bourgogne-Franche-Comté (5), sera conduite sur le long terme et élargie à d’autres types de représentations. L’objectif à terme est d’identifier des représentations susceptibles d’aider les praticiens à prédire le devenir fonctionnel des patients.

(1) Laboratoire de recherches intégratives en neurosciences et psychologie cognitive, UFC
(2) Études des bases neurocognitives des représentations associées à l’action.
(3) ESCCo est l’une des trois unités fonctionnelles, avec GéoBFC (plateforme Géomatique Bourgogne-Franche-Comté) et NuAnCES (Numérisation et Analyse de Corpus pour la rEcherche Scientifique), qui composent la plateforme technologique SHERPA de la MSHE.
(4) Centre Hospitalier Régional Universitaire.
(5) Financement « Amorçage » 2021.